En juin, deux membres du personnel de l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles ont été poignardés par un patient. L'agresseur a été placé sous mandat d'arrêt pour tentative de meurtre. À Gand, le mois dernier, un travailleur social du CPAS, a été tué lors d’une visite à domicile après avoir reçu plusieurs coups de couteau. Le résident suspect a été rapidement interpellé. Le SLFP alerte depuis longtemps sur la hausse des violences contre le personnel des services publics. La réaction du monde politique, des ministres et des autorités compétentes est jugée plutôt décevante.
À Saint-Pierre, le 19 juin, un urgentiste a reçu un coup de couteau au sternum : la lame est passée tout près du cœur. L’infirmier s’occupait du triage, c’est-à-dire de l’examen préliminaire des personnes qui se présentent aux urgences. L’attaquant s’en est pris ensuite à l’assistant social dont le bureau se trouve tout près du local de triage. Grièvement blessé, il a dû subir plusieurs opérations et est toujours en convalescence.
Peur
Salomé, une jeune infirmière travaillant depuis six ans à l’hôpital Saint-Pierre : un an aux soins intensifs, puis depuis cinq ans au service des urgences. Elle explique que la reprise après l’attaque n’était pas évidente : au début, il y avait une vraie peur et un sentiment d’insécurité. Le personnel évitait d’être seul. Salomé n’était pas présente le jour du drame, mais depuis l’incident, l’équipe se montre plus vigilante encore, alors que les agressions verbales et physiques ne sont pas rares.
« On fait plus rapidement appel au garde de sécurité qu’auparavant lorsque nous voyons une certaine agressivité. Nous étions déjà attentifs, car nous savons qu'avec la population qui recourt à nos services d’urgences - intoxication, drogue, alcool - le risque est réel. Vendredi dernier encore, nous avons eu trois coups de couteau », souligne-t-elle.
Le problème est surtout après minuit, puisqu’à partir de là, la sécurité est réduite » : il n’y a que deux gardes pour tout l’hôpital alors que les incidents sont plus fréquents. Après l’incident, nous avons obtenu un garde fixe pour les urgences.
Les violences, surtout verbales mais également physiques, font désormais partie du quotidien des urgentistes. L’infrastructure n’est pas adaptée : une salle d’attente trop petite pour le nombre de patients entrants, où il fait très chaud, sans aération, les uns sur les autres … Il y a parfois aussi un problème de langue et donc de communication lorsque le patient parle une langue étrangère ou dialectes de régions dans le monde que même Google Translate ne sait pas traduire.
« Lorsqu’on se fait insulter ou agresser, on ne fait pas, ou plus, de rapport. En principe, nous devons remplir un rapport d’incident à chaque reprise et l’enregistrer sur une plateforme interne. Nous avons un formulaire, mais il y a tellement de faits chaque jour que c’est impossible. De plus, certaines personnes n’ont pas de papiers : nous ne connaissons pas leur identité et il est impossible de dénoncer X, car il faut un nom sur le document. La maltraitance envers les soignants - et dans les soignants j’entends infirmiers, pompiers, ambulanciers - est devenue courante, presque banalisée », déplore Salomé.
« Un enfant de neuf ans qui pleure quand son papa part au travail, après avoir entendu ce qui s’est passé…cela fait réfléchir. »
Un infirmier, une infirmière commence ses études dans l’idée de sauver des gens, de prendre soin d’eux ou de les accompagner vers une mort paisible. Aujourd’hui, certains se trouvent avec des partenaires ou des enfants qui ne veulent pas qu’on aille travailler parce qu’ils ont peur pour nous. « Un enfant de neuf ans qui pleure quand son papa part au travail, après avoir entendu ce qui s’est passé…cela fait réfléchir. Même eux sont traumatisés et ont peur pour leurs parents », explique Salomé.
Il y a une forte augmentation de problèmes psychiatriques, la demande explose. Cependant, on nous a retiré les lits d’hospitalisation psychiatrique. Il ne nous en reste plus que quatre, qui sont utilisés lorsqu’il nous manque des box aux urgences.
Le CHU Saint-Pierre connaît l’une des fréquentations de patients les plus élevées du pays, avec environ 90.000 patients par an. Cependant, le financement est basé sur le nombre de lits de l’hôpital et ne tient pas compte du nombre de patients admis aux urgences. « L’hôpital Saint-Luc, par exemple, dispose de beaucoup de lits, mais enregistre moins de passages aux urgences, ce qui fait que leur financement est plus important que le nôtre », souligne Salomé.
Pas de promesses
C’est un des points soulevés auprès du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, et du bourgmestre de la ville de Bruxelles, Philippe Close, qui se sont rendus à l’hôpital après le 19 juin. Ils ont bien écouté, mais aucune promesse n’a été faite.
Pour l’équipe de Saint-Pierre ce qui se passe à l’hôpital est le reflet de ce qui se passe en dehors, dans la société. Et pourtant, on ne comprend pas comment cela ne marque pas davantage les esprits : c’est presque devenu banal.
Pourquoi attendre ?
Au SLFP, nous nous posons la question : combien de blessés graves et de morts faudra-t-il encore déplorer pour que la problématique de la violence soit réellement prise en main ?
Ces faits tragiques démontrent une fois de plus que des mesures sont urgemment nécessaires.
Chacun a droit à un lieu de travail sécurisé !
Le SLFP continuera à se battre pour une approche adéquate et pour les mesures indispensables.
Texte et reportage : Cindy WILLEM